Ma dure vie de drépanocytaire sous Covid-19

Article : Ma dure vie de drépanocytaire sous Covid-19
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16 juin 2020

Ma dure vie de drépanocytaire sous Covid-19

En Guinée, la Covid-19 a forcé le président de la République à rendre obligatoire le port du masque. Une décision lourde pour les malades atteints de drépanocytose. Moi-même drépanocytaire, je suis plus vulnérable en ces temps pandémiques.


La nouvelle, cette nouvelle ! Elle résonna dans mon ouïe avec une totale déception. J’étais plus qu’inquiet car deux peurs occupaient mon ventre à présent. C’est comme si on me demandait de choisir entre la peste et le choléra. C’était en cette soirée du 18 avril 2020, j’étais assis devant ma télévision et j’ai capté la Radiodiffusion télévision guinéenne (RTG), une chaîne que je suis par accident.

Soudain, apparaît le président de la République de Guinée dans un costume bizarre comme il en a l’habitude, il commence par rappeler son amour pour la patrie en tant que panafricaniste et il renforce l’état d’urgence sanitaire déjà déclaré par une mesure supplémentaire qui va bouleverser ma vie et celle de tous les drépanocytaires vivant en Guinée.

Il annonce que le port du masque est obligatoire sur toute l’étendue du territoire national. Oh mon Dieu ! Sans même que je n’eus le temps de gober cette information, il ajoute : celui qui ne ne porte pas le masque va payer 30000 GNF. Comme un coup de tonnerre j’ai accueilli ces deux informations.

Le port du masque protège contre la Covid-19

L’obligation du port du masque, me direz-vous, est une bonne nouvelle puisque les masques qu’ils soient chirurgicaux ou faits maison servent à couvrir les orifices naturels qui sont principalement la bouche et le nez. Et ses orifices sont également les principales portes d’entrée (et de sortie) de la Covid-19 en plus des yeux. Il n’y a donc pas de problème dans la déclaration.

Mais pour un drépanocytaire, c’est toute une autre histoire de mauvais souvenirs. Depuis que j’ai commencé à vivre sous ce diagnostic, mes crises ne font qu’augmenter. Mon médecin m’a toujours conseillé, si je veux diminuer mes crises, de tout faire pour rester dans un endroit aéré, d’éviter toute chose qui m’empêcherait de respirer et d’éviter même les endroits de haute altitude comme les montagnes puisque l’air y souffle peu. Mais le fameux masque est venu tout bousiller. Quand je le porte, ne serait-ce qu’une minute, je sens que j’ai des difficultés respiratoires et si je l’enlève, je sais pertinemment que je m’expose à la Covid-19. J’ai donc, comme on aime souvent le dire, le cul entre deux chaises excusez pour l’expression mais c’est la seule qui décrit ma situation.

Drépanocytose ou coronavirus, que choisir ?

D’abord, pour dire vrai, la douleur que traverse un drépanocytaire lors d’une de ses crises est indescriptible. Aucune encre sur aucun papier, aucune théorie médicinale ne peut donner l’idée de cette douleur. Personnellement, je préfère avoir des maux de dents sans interruption pendant une semaine que de vivre une heure de crise avec la drépanocytose. Que choisir donc ? La Covid-19 ou la drépanocytose ?

Je prie l’Architecte de l’univers qu’il ne vous laisse pas dans un tel choix. La Covid-19, m’a-t-on appris, fatigue plus les personnes qui ont des maladies respiratoires. Or en tant que drépanocytaire j’ai certes des problèmes respiratoires. Mais quand je repense à mes crises, les larmes occupent mes yeux.

Ensuite, faut-il rester à la maison pour éviter les masques ? Là également n’est pas la solution puisque mon médecin m’a a conseillé également de rester toujours actif mais sans s’étouffer pour diminuer mes crises. Même sans cela, dans un pays pauvre comme la Guinée et surtout moi qui vis en zone rurale et aussi étant l’aîné d’une famille de dizaines de personnes, je suis obligé de travailler pour subvenir aux besoins de ma famille.

Certains malades s’ignorent encore

C’est pour vous dire combien je suis exposé aux crises. Je ne vous apprends rien en vous disant que la drépanocytose est une maladie héréditaire et elle est la maladie génétique la plus répandue au monde. C’est une maladie qui entraîne la falciformation des globules rouges dans le sang et qui touche particulièrement les populations négro-africaines. Cette falciformation des globules rouges entraîne des bouchons qui impactent négativement la circulation sanguine.

À la date du 9 juin 2020, la République de Guinée totalisait 4258 cas confirmés positifs de la Covid-19 dont 2942 guéris et 23 décès selon l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), or aucune mesure n’a été prise pour limiter les douleurs des drépanocytaires et d’ailleurs aucun système de protection n’existait pour les drépanocytaires avant Covid-19. Telle une fatalité, il faut accepter et vivre avec ses crises et les accepter sans ne rien pouvoir faire.

Le pire dans cette histoire est que la majorité des drépanocytaires vivant en Guinée ne savent pas le nom de la maladie qui les fatigue car ils n’ont jamais fait de tests qui la confirme ou l’infirme.

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