Lutte contre l’excision : la plus grosse arnaque du siècle ?

Article : Lutte contre l’excision : la plus grosse arnaque du siècle ?
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5 février 2022

Lutte contre l’excision : la plus grosse arnaque du siècle ?

Des t-shirts, des casquettes mouillées par la sueur sur lesquels c’est inscrit en noir sur blanc <<zéro excision>>, <<Plus jamais ça>> avec des logos d’institutions internationales… ; des attroupements d’hommes et de femmes dans de vastes salles scandant les slogans ci-haut ; un conférencier, une conférencière ou une horde de conférenciers qui passe dans le brouhaha des messages confus sur l’excision ; des cérémonies de <<dépôts de couteaux>> par les exciseuses traditionnelles ; des ateliers de formation sur l’excision pour des ONGs de lutte qui foisonnent et de vastes campagnes de sensibilisation en zone urbaine pour mettre fin à l’excision, voilà le film hollywoodien dans lequel on nous plonge depuis le début des années <<2000>> en République de Guinée. Deux décennies après, les lignes n’ont pas bougé d’un iota, ou disons mieux les résultats demeurent encore lourdement négatifs car dans certaines zones comme Labé 100% des femmes sont excisées.

C’est quoi l’excision ?

Les mutilations génitales féminines ou excision constituent toute intervention aboutissant à une ablation partielle ou totale de l’organe génital externe féminin et ce, pour n’importe quelle fin (culturelle, religieuse…) hormis celle thérapeutique. En français facile, dès qu’on enlève une partie si petite soit-elle de l’appareil génital externe de la femme pour d’autres raisons en dehors de celles médicales, cela est considéré comme étant une mutilation génitale féminine.

Quelles parties de l’appareil génital touchées ?

?Pour le type 1 d’excision, le prépuce et le clitoris. C’est donc l’ablation du prépuce et une partie ou la totalité du clitoris.

?Pour le type 2, c’est le clitoris et les petites lèvres. C’est donc l’ablation partielle ou totale du clitoris y compris d’une partie ou de la totalité des petites lèvres.

? Pour le type 3 appelé infibulation, il s’agit de la cautérisation des lèvres en laissant une petite sortie pour les règles.

? Le type 4 regroupe toute autre opération (brûlure, rallongement des lèvres pour l’esthétique génitale…) qui ne se retrouve pas dans les 03 premiers types.

On comprends donc qu’il n’existe pas une seule mutilation génitale mais des mutilations génitales feminines.

Le mauvais message à la mauvaise cible…

Des conférences-débats sur l’excision n’en finissent pas dans ce pays. Mais quel est le portrait des participants ? Ils sont des jeunes filles et garçons diplômés sans emploi ou leaders d’ONGs, des groupements de femmes, des femmes leaders, des responsables administratifs et des leaders religieux et communautaires. Ces mêmes personnes assistent à toutes les conférences, elles se connaissent toutes presque. Ça devient comme une famille à présent. Pourtant, la majorité d’entre ces participants n’est pas convaincue de la lutte contre l’excision, et d’ailleurs ils sont des acteurs de lutte depuis plusieurs années sans résultat aucun. Ils ont des idées bornées et n’assistent à ces conférences que pour recevoir des primes de participation. D’ailleurs, ces femmes leaders, ces leaders communautaires et religieux n’ont aucune fille non excisée. Cela dit, tout ce qu’ils disent, il ne le pensent pas. La peur du quand dira-t-on de ma fille si elle n’est pas excisée ? devient une hatise pour eux. Chacun se dit : je ne serai pas le premier à abandonner l’excision même si certains savent pertinemment qu’elle n’est pas profitable pour la jeune fille. C’est pourquoi, aucune restitution au niveau communautaire n’est faite. Or tant que la communauté n’a pas eu vent, n’a pas d’informations claires sur l’excision, la pratique perdurera.

L’exciseuse traditionnelle, la maman au marché, les vieux défenseurs de la tradition, la jeune fille qui a honte de porter l’étiquette BILAKORO (terme péjoratif des non excisées), la jeune fille qui continue de voir l’excision sous un angle culturel et religieux, le jeune convaincu que l’excision est l’identité de l’homme noir, l’abandonner c’est perdre ses repères, le jeune qui voit la lutte contre l’excision comme une colonisation mentale prônée par l’Occident…tant qu’on ne touche pas cette cible, disons qu’on a pas encore commencé la lutte contre l’excision. Pourtant en République de Guinée, cette cible est hors du champ d’action des ONGs de lutte contre l’excision avec leurs partenaires techniques et financiers. Aucune session communautaire franche n’a été faite depuis plus de 20 ans. Tout le monde mène des actions en zone urbaine et pourtant l’excision se pratique, dans la plupart des cas, en zone rurale depuis belle lurette ; et même ceux qui la pratiquent en zone urbaine au vu et au su de tous les acteurs de lutte ne sont pas inquiétés. Il y a des villages, la plupart d’ailleurs, qui n’ont jamais reçu un message de sensibilisation, de quelque façon qu’il soit, sur l’excision.

Mais quels messages pour la première cible ? Lors des conférences, des rares causeries éducatives sur l’excision, les animateurs reposent leurs arguments sur les conséquences surtout médicales de l’excision. Pourtant, la femme excisée se sent parfois perdue dans ces conséquences surtout si elle n’a pas subi toutes ces conséquences à moins ou à long terme. Autre aspect, on dénonce la pratique et lit des textes la punissant.

Que faut-il faire ?

Pour une vraie lutte contre l’excision, il faut privilégier les dialogues communautaires. Tout ce que l’on mise sur les conférences, dans les vastes campagnes inutiles de sensibilisation…qu’on oriente cela vers les rencontres communautaires. Pour ce faire, il ne suffit pas de trouver la femme au marché où elle est entrain de revendre, l’élève à l’école, rencontrer des gens dans la rue ou dans leur place de travail, les jeunes filles dans des ateliers de couture et coiffure…il faut organiser des sessions d’échanges pendant les temps libres de ceux-ci et les laisser expliquer clairement leurs sentiments, les raisons pour lesquelles ils pratiquent l’excision, les laisser argumenter et écouter ceux qui ont des avis contraires et le tout, dans un respect plus que religieux du langage utilisé. Après cela, il faut que l’on soit armé de contre arguments forts avec des messages axés sur la religion, la tradition, la pudeur féminine et des conséquences surtout psychologiques que l’excision entraîne sur la vie sexuelle de la femme avant de clore par l’argumentation sur les conséquences médicales ; des messages qui lèvent le voile sur les fausses croyances pour faire comprendre à la communauté qu’aucun argument ne tient pour le maintien de l’excision.

Des solutions communautaires pour les problèmes communautaires.

Enfin, il faut que les animateurs ne proposent pas des solutions inscrites dans des documents concoctés par les Nations Unies ou par leurs ONGs respectives, il faut laisser la communauté proposer des solutions communautaires à leur problème et les laisser s’engager. Coopter également des volontaires communautaires issus des nouveaux convaincus et les transformer en acteurs de lutte contre l’excision. Sortons donc du faux et engageons-nous de façon véridique dans cette lutte. Hormis cela, ne nous demandons pas pourquoi notre pays la Guinée occupe la 2ème place des pays qui refusent encore d’abandonner l’excision avec 97% des femmes âgées de 15 à 49 ans excisées selon l’UNICEF.

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Commentaires

Boris Diallo
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J'avoue que cette pratique existe toujours en Guinée et je demande quand elle prendra fin

fanchon
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Merci pour cet éclairage. Pour info, Canal Olympia va programmer A girl from Mogadishu, de Mary McGuckian, dans différentes capitales africaines dont Conakry. Mise en relation possible avec la Fondation Ifrah Ahmed et la réalisatrice, si vous souhaitez apporter votre point de vue sur le sujet, sur la façon de mieux en parler, de mieux agir pour atteindre l’objectif ZeroFGM à l’horizon 2030 de mémoire. Je précise qu’en tant que femme à l’abri de cette pratique, je n’ai pas d’avis en la matière, mais je salue le courage de celles et ceux qui s’engagent pour que cela cesse, ainsi que les médecins, hommes et femmes, qui apportent des solutions pour réparer les corps et les identités meurtries par cette tradition persistante.
Je vous recommande vivement de voir À girl from Mogadishu et d’en parler autour de vous, comme je le fais depuis septembre 2019 grâce au Festival international du film britannique de Dinard, pour faire exister ce film exemplaire dans l’espace francophone. Pour l’heure, sa diffusion est un succès dans l’espace anglophone, notamment aux USA où il est passé des festivals à la télévision. Il a aussi été primé à Berlin et présenté en avant première sur le continent africain, à Kinshasa, lors d’un événement organisé en novembre dernier par les Nations unies. Merci encore pour votre billet documenté.

Abdoul Baldé
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Merci à vous

Alpha oumar diallo
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Très logique ce que vous avez souligné si on doit méner un combat ménons le à notre manière, conformons nos méthodes à la société que nous vivons

DIALLO
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Que la Guinée part à la conquête de la première place mondiale..
Que vive l'excision

Thierno Boubacar Lagui Barry
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Des solutions communautaires pour les problèmes communautaires. Mon cher c'est la règle d'or. ??????

Dr K.
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je trouve ton billet très bien écrit, même si le thème qu'il aborde me fait ressentir beaucoup de peine pour les jeunes femmes guinéennes. J'espère que tes propositions d'approche de la lutte contre l'excision seront largement lues et mises en pratique sur le terrain adéquat. Tous les moyens sont bons pour arrêter cette pratique d'un autre âge qui mutilent et dépossèdent la femme africaine.

Thierno Mamadou Diallo
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Super bien

Iso Abdoul Latif
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Mon cher, on reviendra sur ce sujet après ces événements. Je garde le lien, on fera un débat houleux sur ce sujet.

Je pense que tu me reconnais?

Abdoul Baldé
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Ok sans problème Grand