En Guinée, une année scolaire à refaire ?

Article : En Guinée, une année scolaire à refaire ?
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19 juillet 2020

En Guinée, une année scolaire à refaire ?

Ma cousine est une élève un peu faible, ou disons mieux avec un niveau squelettique. Cette année, elle avait décidé, malgré son niveau mesquin, de tout faire pour avoir son brevet d’étude du premier cycle (BEPC) après deux vaines tentatives. Au début de l’année elle partait très tôt à l’école, suivait les cours avec intérêt et elle partait également aux séances de révision tous les soirs. Quelques professeurs ne manquaient pas de nous louer son courage, sa détermination, mais moi, pour vous dire vrai, je restais encore sur ma faim. Très content, mon oncle leur glissait quelques billets de banque. Quand arrive la nuit, elle avait les yeux rivés sur le cahier même si je ne sais pas trop ce qu’elle lit dedans hein…parce que d’une part elle cause en SMS en surfant sur le web et de l’autre la télévision est allumée. Mais bon ce n’est pas notre affaire ici.

Puis survint une cascade de grèves

Son courage et sa hardiesse ont commencé à être dégonflés par la grève des enseignants du Syndicat Libre des Enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) qui est survenue à la mi-janvier. Parallèlement, la crise politique qui mine le pays à cause des législatives couplées avec un référendum très contesté dans le pays a fait que les écoles, hormis dans les zones favorables à une nouvelle Constitution et à une nouvelle Assemblée, étaient toutes fermées. Mais ma cousine profitait des temps calmes pour suivre ses séances de révision. Ce qui n’a pas duré, car les mois de février et mars ont connu tellement de violences qui ont entraîné des morts à Labé. La ville a vécu les pires moments de son histoire car elle était totalement militarisée. Ma cousine ne comptait que sur la lecture de ses cahiers, chose insuffisante car les programmes scolaires n’ont pas avancé de plus de 20%. Où avoir les 80% de cours. Aussi est-il que parmi les 10 matières qu’elle doit faire au BEPC, 03 (maths, physique, chimie) sont purement techniques. Mais comme le dit le vieux dicton de ceux qui sont dans l’impasse : <<découragement n’est pas Guinéen>>. Courage, courage encore cousine, mais Ah !

Et enfin corona…

A la surprise de chacun et tous, exception faite pour les gens qui ne sont jamais surpris du cours des événements dans ce pays, dès la fin des élections couplées (législatives et référendum), on nous annonce une recrudescence du coronavirus avec d’autres cas confirmés de Covid-19 en dehors des deux cas que tout le monde connaissait jusque-là et par la même occasion, la fermeture de toutes les écoles, l’interdiction de tout rassemblement de plus de 20 personnes… à partir du 24 mars 2020. Quand ma cousine a eu vent de cette information, elle a compris sans plus tarder que son étincelle d’espoir, si petit soit-elle, se mourrait. Elle a commencé par abandonner la révision et se désintéresser des études peu à peu. Au fil du temps, elle ne songeait plus à ses cahiers, ni aux cours de révision. Tout est devenu rêve, tout est songe, tout est cauchemar ! A quand peut-on aboutir à réaliser un rêve qui nous est cher dans un pays instable ? Beaucoup sont passés par là et leurs espoirs se sont brisés. Ma cousine n’est pas la seule donc ! C’est une question d’héritage.

Espoir !

A la fin du mois d’avril, le ministère de l’éducation pré-universitaire et de l’alphabétisation (MEPU-A) a instauré des cours à distance. Ces cours sont donnés à la télévision et à la radio. Et ils ont promis de les faire passer sur internet également. Mais affaire de promesse là on sait ça aboutit à quoi. Mais bon, cela nous intéresse pas ici. Même s’ils sont destinés à une minorité d’élèves puisque la télévision est un luxe pour un pays aussi pauvre comme la Guinée mais aussi l’Internet est très coûteux et en plus peu d’élèves disposent de smartphones. D’ailleurs même ceux qui en disposent, rares sont ceux qui peuvent utiliser à bon escient. Quant à ma cousine, elle ne compte pas sur la radio car même en classe, en dépit de toute sa motivation, elle comprend difficilement les cours. Sur internet, elle n’y compte pas également car rien que ses notifications sur les réseaux sociaux l’empêcheraient de se concentrer. Elle compte plutôt sur la télévision. Là elle s’asseoit tranquillement dans notre petit salon et commence à suivre. Mais il ne manque pas d’occasions où elle frappe les petits qui viennent la déranger. Durant la première semaine, elle était très concentrée et puis, ne comprenant quasiment rien des cours, elle lâcha prise comme bon nombre d’autres élèves de sa catégorie.

Enfin la reprise des cours

La rouverture des classes le 29 juin, en dépit de la pandémie de COVID-19 qui sévit en République de Guinée défraie la chronique. S’il y a un ouf de soulagement qui se lit sur la face des étudiants qui sont au crépuscule de leur année universitaire, une inquiétude profonde se lit sur celle des différents candidats aux examens (BEPC, BACCALAURÉAT UNIQUE) sans oublier ma cousine. Quant au sort réservé aux élèves des classes intermédiaires voire des étudiants en 1ère et deuxième année universitaire, il n’est pas encore scellé. Le dernier courrier du ministère précise que les écoles, pour les classes intermédiaires, rouvriront au mois de septembre pour un mois de cours de rattrapage. Un mois ! Oui un mois pour rattrapper les cinq mois et demis perdus dans certaines zones et les 03 mois et demis dans d’autres. Après un mois, on fera une évaluation et ceux qui seront admis continueront en classe supérieure.

Non mais je rêve !

Mettez-vous à la place de cet élève en CM1 (5ème année) à l’école primaire ou celui de la 4ème (9ème année) ou celui de la 1ère (12ème année) qui n’ont pratiquement rien étudié cette année et qui doivent affronter leurs différents examens durant l’année scolaire 2020-2021. Sachant que les programmes de ces classes respectives sont la base du programme des classes suivantes, et avec un niveau aussi pauvre que celui de ma cousine, que feront ses élèves en classe supérieure ? Quel avenir sommes-nous entrain de leur réserver ? Veut-on éviter une ANNÉE BLANCHE en sacrifiant l’avenir des enfants ? Pourquoi a-t-on peur de reprendre carrément l’année connaissant la maladie du système éducatif et le faible niveau des élèves qui ne fait que s’aggraver d’année en année ? A qui profiterait une année scolaire avec un passage automatique qui impactera négativement le système scolaire et ce, pendant plusieurs années ? Un élève qui n’a pas reçu plus de 30% du programme scolaire durant toute une année, mérite-t-il de passer en classe supérieure ? En attendant la réponse à mes interrogations je prie pour ma cousine FICTIVE car les examens débuteront le 05 août 2020 en République de Guinée et je me lave les mains en attendant la surveillance.

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Commentaires

Diallo Hadjiratou
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C'est vraiment déplorable pour nous étudiants (e) ou élèves, nous sommes confrontés à tout genre de difficulté. Maintenant ils veulent qu'on termine les programmes à n'importe quel prix . Avec leur programme surchargé, ya de ces profs qui ne prend même le temps de bien dispenser les cours car il ne donne que les grandes lignes seulement .

Abdoul Baldé
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C'est vraiment triste. Tout le monde a la corde au cou. Le ministère devrait mesures plus adéquates.