Guinée : peur du Covid-19 ou peur des policiers ?

Article : Guinée : peur du Covid-19 ou peur des policiers ?
Crédit:
24 avril 2021

Guinée : peur du Covid-19 ou peur des policiers ?

 »Wo bavette sa » (portez vos masques !). C’est la devise dès qu’un groupe aperçoit un policier dans le Grand- Conakry (capitale guinéenne et environs).

Ce jeu du chat et de la souris a débuté depuis la première vague du Covid-19, enregistrée en République de Guinée. Les seuls gagnants dans cette comédie nationale, ce sont les agents des forces de l’ordre qui en profitent pleinement pour se remplir les poches à travers les pseudos barrages sanitaires, les stations dans les différents carrefours et même des arnaques à ciel ouvert dans les rues.

Sur la route, des barrages sanitaires !

De Conakry à Labé – entre la capitale guinéenne et une ville de la Moyenne Guinée – sont dressés des barrages sanitaires à foison. Pendant la première vague de Covid-19 en Guinée, entre mars et avril 2020, les usagers de la route étaient obligés de descendre des véhicules pour se laver les mains et devaient obligatoirement porter leurs masques. Cependant, depuis les dernières décisions du Président de la République de Guinée sur l’état d’urgence sanitaire, ces barrages revenus en bonne et due forme sont justes un objet d’arnaque :

Des kits de lavage des mains secs et poussiéreux, des agents des forces l’ordre, masque sur le cou, en profitent pour soustraire de l’argent aux passants…

Six passagers dans un véhicule, plus le chauffeur dans une voiture qui n’en prend que quatre, le chauffeur y compris, normalement. Les masques sont souvent utilisés comme cache-poussière par les passagers. Partout où il n’y a pas assez de poussière, les masques tombent et une fois qu’on s’approche d’un carrefour ou d’un barrage sanitaire, le chauffeur rappelle aux passagers la fameuse phrase : wo bavette sa ! Et tout le monde porte les masques.

Une fois arrivée au barrage, un agent s’approche pour vérifier les masques. A défaut de masque, le passager paye 30 000 GNF, à peu près 3€. Parfois, il peut négocier le prix avec l’agent pour éviter de payer tout ça.

Aussi, dans les différents carrefours de l’AXE, une zone hostile au pouvoir en place et dans le centre ville, policiers et gendarmes stationnent pour attendre ceux qui ont oublié de porter leurs masques. Heureusement, des marchands ambulants circulent avec des masques de toutes les catégories à vendre.

Vendeuse de masques avant l’arrivée au carrefour Cosa dans la capitale Guinéenne. Crédit image : Abdoul Baldé

Une fois à côté des carrefours, les citoyens sortent les masques tantôt dans les sacs, tantôt dans les poches, les portent jusqu’à ce qu’ils s’éloignent du carrefour, puis les masques retombent. Dès qu’ils s’approchent d’un autre carrefour, le chauffeur, pour éviter tout risque, se retourne et avance la fameuse phrase d’alerte : wo bavette sa.

Dans les quartiers, les masques tombent

Dans les quartiers d’ailleurs, rares sont ceux qui portent les masques et même ceux qui en portent peuvent être classés dans deux catégories : la première, ceux qui avaient un programme, qui sont sortis et revenus tout en oubliant leurs masques sur leurs cous ; la seconde, ceux qui sont toujours considérés comme modèles, qui semblent avoir peur du Covid-19 mais qui n’hésitent pas à faire descendre leurs masques devant un repas collectif ou quand ils s’étouffent un peu devant les gens.

Les séances de formation, une autre comédie

Le comble, c’est quand vous assistez à une formation où sur la lettre d’invitation est inscrit en noir sur blanc « port du masque obligatoire ». Une fois arrivée dans la salle, il se trouve que d’aucuns ont oublié leurs masques à la maison. C’est sur place qu’ils partent acheter les masques, chez un petit boutiquier où on demande si quelqu’un dans la salle a un second masque.

Au cours de la formation, on peut ne pas porter les masques, ils peuvent rester au cou au cas où un superviseur arrive dans la salle. Il est fréquent de voir que même le superviseur laisse son masque sur son cou. Pendant les heures de pauses, tous les masques tombent et plusieurs personnes mangent ensemble. A la fin des repas, on reprend les masques au cou pour les porter enfin, juste pour prendre la photo de famille.

Moi lors d’une séance de lecture collective, le masque au cou

C’est pour dire, donc, au gouvernement, de revoir les gestes barrières puisque la majeure partie des citoyens n’ont plus peur du virus. Ils ont juste peur pour leurs poches. Est-ce la faute aux autorités sanitaires qui ne font pas une bonne communication sur le virus ? Est-ce la faute aux citoyens ? Est-ce la faute à tout le gouvernement ? Ces questions sont sans réponse car chacun accuse l’autre comme dans Huis Clos, de Jean-Paul Sartre : « l’enfer, c’est les autres ».

Partagez

Commentaires